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Livres en Folie |
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Haïti: Fort-Dimanche
Le régime des Duvalier est le régime le plus sanguinaire et le plus totalitaire que le pays n'ait jamais connu. Il a débuté en 1957 avec l'accession au pouvoir de François Duvalier dit « Papa Doc », élu pour une durée de six ans. Cependant, la conjoncture politique du moment a pris une tournure contraire à toute attente. Le président s'est autoproclamé président à vie avec le droit de choisir son successeur. A sa mort en 1971, il a légué le pouvoir à son fils Jean-Claude Duvalier dit « Baby Doc ».
Comme dit le dicton, « tel père, tel fils ». A l'instar de son père, Baby Doc a instauré dans le pays un règne infernal basé sur le non respect absolu des droits de la personne humaine. Les vingt neuf (29) ans de pouvoir des Duvalier représentent une longue période de terreur, d'horreur, de pressions, d'indignité, etc. Il n'existe pas de mots pour qualifier ce système inhumain et le plus déshumanisant que le pays n'ait jamais connu.
Dans ce livre, Patrick Lemoine fait le récit d'une infime partie des monstruosités commises par le régime rétrograde et cruel de Jean-Claude Duvalier à Fort-Dimanche. « Fort-Dimanche, Fort-La-Mort », plus qu'une simple histoire, est le témoignage vivant empreint d'émotion d'un martyr meurtri jusqu'au tréfonds de son coeur et de son âme et portant en lui les cicatrices indélébiles d'un système obscurantiste. Victime et témoin oculaire pendant six (6) années d'incarcération des barbaries de ce système politique totalitaire, il expose dans un style direct, captivant et même poignant les atrocités auxquelles les prisonniers étaient infligés au Fort-dimanche dit Fort-La-Mort, un des centres d'interrogatoire et de torture du régime.
»Il retrace dans ce livre de manière minutieuse chaque minute, chaque heure, chaque jour depuis son arrestation illégale, en passant par les différents moments de sa détention, les mauvaises conditions de son incarcération et de ses compagnons de cellule jusqu'au jour de sa libération. Arrêté le 29 décembre 1971 à l'âge de 26 ans, il devient prisonnier politique du régime comme ses amis André Séraphin dit Ady, Jean-Claude Duval, Marcus André, et comme des centaines d'autres innocents. Conspiration contre la sureté de l'Etat, être communiste sont les chefs d'accusation retenus contre lui. Ce qui lui a couté six ans d'emprisonnement suivi d'un exil politique.
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Ces six années de prisons sont une longue période de coupure avec sa réalité et le monde tout entier. C'est comme si la terre avait cessé de bouger, il était passé dans une autre vie, un autre monde, une réalité toute nouvelle. Le monde, son monde s'est réduit aux Fort-La-Mort et aux Casernes Dessalines. Cette détention lui a ravi tant de choses. Il a perdu tout contact avec sa famille. Il n'a pas eu la chance de voir les premiers pas de son premier pas, d'entendre les premiers mots de son premier fils âgé de quelques mois lors de son arrestation.
Fermé quelques temps aux Casernes Dessalines, on l'a transféré à Fort-Dimanche en janvier 1974. Là, il a rencontré ses nouveaux amis, ses compagnons de cellule qui étaient au nombre de onze dans une seule cellule. Il s'agit de : Lenert Livert alyas Ti coq, Fritz Degazon alyas Castro, Théophile Victomé dit Blanc, Phillipe Dulaurier, alyas Roi, Rodrigue Lafortune dit Quatre Moteurs, Marcel Guerrier, Jean-Pierre Saint-Villus dit Ti Diable, Pierre Jean-Baptiste dit Pedro, Joseph Milfort dit Jo Malaca, Durena Washington, Justin Bertrand.
Au Fort-La-Mort, il a assisté à des scènes d'infamie les plus horribles auxquelles il n'a jamais assisté auparavant. Tous les prisonniers souffraient de malnutrition et de faiblesse. Ils étaient si maigres qu'on pouvait compter les os de leur squelette. Il a assisté au décès de 199 détenus dont 22 dans sa propre cellule. Ils étaient arrivés au bout de leur force et ne pouvant plus résister à cette forme d'existence infra humaine à laquelle ils étaient assujettis.
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En février 1977, il est à nouveau transféré aux Casernes Dessalines. Il devra attendre jusqu'au mois de septembre de la même année pour recouvrer sa liberté. Suite à un arrêté en date du 20 septembre 1977, le président à vie Son Excellence Monsieur Jean-Claude Duvalier accorde une amnistie à cent quatre (104) prisonniers politiques dont 11 exilés du pays le même jour de leur libération. Le 21 septembre, il est remis en liberté et part pour l'exil selon l'ordre du président.
Le régime dictatorial de Duvalier a laissé des traces indélébiles dans l'âme et la mémoire du peuple haïtien. Les centres d'incarcération ont été l'endroit où les horreurs du régime ont atteint leur apogée. Ces centres se sont transformés en centre de martyr, d'humiliation et de déshumanisation.
Par-delà les incalculables meurtres, l'élimination de nombreuses familles provoqués par ce régime, la fuite des cerveaux du pays demeurent l'un des plus grands maux qu'il a causés au pays. Plusieurs centaines de milliers d'haïtiens, suite à des persécutions politiques, ont dû fuir le pays pour s'installer un peu partout ailleurs. Parmi eux on peut compter des professionnels, des médecins, des journalistes. Aujourd'hui encore, après vingt-cinq (25) ans de la chute du régime, le pays paie encore les frais de l'exode massif de ses professionnels. Dieu seul sait combien ces cerveaux seraient utiles au progrès de ce pays.
L'auteur regrette le fait que Fort-Dimanche a été détruit en 1994, selon lui il aurait été mieux de le transformer en musée pour honorer la mémoire de ses nombreuses victimes et pour apprendre aux générations futures les atrocités de ce régime.
Cet ouvrage met à nu une infime partie de la terreur que représentait le pouvoir des Duvalier. Il constitue un véritable hommage aux plusieurs milliers de victimes de la dictature et aussi une référence historique où la jeune génération présente et celles à venir peuvent se renseigner sur la méchanceté bestiale et crapuleuse de la dictature impitoyable et immorale des Duvalier. Comme le dit Josaphat Robert Large : « Déshumanisation absolue de l'être, descente en enfer, séjour au sein de l'horreur, traversée au coeur de la haine. Tous ces qualificatifs vous passent par la tête quand vous lisez le livre Fort-Dimanche, Fort-La-mort.
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